Depuis dimanche dernier, nous pouvons enfin profiter plus longtemps du soleil ; de 19h la semaine passée, l’heure du coucher de soleil fait un bond en avant et passe à 20h. Bien sûr, il y a un revers à la :médaille : certains se réveilleront dans la pénombre puisque le lever du soleil est lui aussi décalé d’une heure en avant ! Chaque année, les mêmes questions reviennent : cela a-t-il un impact sur notre santé ? Et en quoi cela aide-t-il la planète ?
Les origines
Autant vous prévenir tout de suite, votre cerveau va un peu chauffer, car il va falloir faire quelques calculs !
Peu le savent, mais en 1911, l’heure française était basée sur l’heure moyenne du méridien de Greenwich (en anglais : « Greenwich Mean Time », abrégé en GMT), tout comme le Royaume-Uni et l’Irlande. En 1916, l’Allemagne, qui elle faisait partie du fuseau horaire GMT+1 (1 heure de plus que le méridien de Greenwich), décide d’instaurer l’heure d’été pour des raisons d’économie d’énergie et passe donc à GMT+2 lors des mois les plus chauds. La France et le Royaume-Uni suivent l’exemple en ajoutant pendant l’été une heure de plus à l’heure GMT. Mais en 1940, la moitié de la France est occupée par les Allemands et est donc forcée de passer à l’heure de Berlin ; l’heure de base sera donc GMT+1, et GMT+2 en été. Le problème, c’est que les correspondances de la SNCF entre la zone occupée et la zone libre sont complètement chamboulées par la différence d’heure, et c’est donc l’ensemble de la France qui passe à l’heure allemande en 1941. En 1945, le gouvernement choisira d’abandonner l’heure d’été, mais conservera le fuseau horaire GMT+1. Ce n’est qu’en 1976, après le choc pétrolier, que l’heure d’été sera instaurée à nouveau, toujours pour une question d’économie d’énergie. On en arrive donc au système encore en place actuellement : heure de base (hiver) à GMT+1, et heure d’été à GMT+2.
L’impact environnemental
On l’a donc vu, le changement d’heure a été instauré pour soulager un peu la planète. Au départ, l’impact du changement d’heure sur la consommation d’énergie était assez significatif : le passage à l’heure d’été permettait en effet de réduire l’utilisation de l’éclairage artificiel, puisque le soleil brillait plus longtemps en soirée. Aujourd’hui, la logique voudrait qu’il en soit de même, car les pics de consommation électrique se situent entre 18h et 21h ; le Ministère de l’Environnement déclare même que le changement d’heure aurait évité en 2009 l’émission de 44 000 tonnes de CO2 en France, soit la consommation annuelle de 800 000 foyers. Mais depuis lors, la population française et même certains membres du gouvernement ne cessent de remettre en question cette fameuse heure d’été ; en effet, avec la démocratisation des ampoules à basse consommation, l’économie d’énergie réalisée est de plus en plus minime.
Les impacts sur notre santé
Dans notre société actuelle, le rythme de travail et de notre vie sociale fait que l’on a tendance à se coucher beaucoup plus tard qu’auparavant. Au début du 20ème siècle, la majorité des Français vivaient encore au rythme des saisons et de la nature ; comme très peu d’entre eux avaient l’électricité, ils s’adaptaient à la course du soleil, se levaient et se coucher avec lui.
Aujourd’hui, nous avons oublié que notre organisme, qu’on le veuille ou non, fonctionne en adéquation avec les saisons et l’alternance du jour et de la nuit (on parle alors de cycle nycthéméral).
L’heure d’été
L’heure d’été est donc assez décriée à cause de ses effets néfastes sur la santé. Si l’on devait n’en citer qu’un, ce serait sûrement le problème du sommeil : perdre une heure de sommeil n’est pas anodin, et le corps peine à s’en remettre. Fatigue et stress peuvent vite s’installer et conduire à l’insomnie. La solution ? Préparer son corps en se couchant et en se réveillant 10 minutes plus tôt pendant la semaine précédent le changement d’heure.
Mais cela ne fait pas tout : en effet, le changement d’heure joue sur un autre paramètre, la mélatonine. Quésako ? La mélatonine est une « hormone du sommeil » sécrétée par notre corps ; elle favorise l’endormissement et a la particularité d’être inhibée par la lumière et stimulée par l’obscurité. Autrement dit, tant que le soleil brille, le corps n’en produira pas assez pour dormir et avoir un sommeil réparateur… Les premiers jours à l’heure d’été, le soleil se couche aux alentours de 19h30 et il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter. Mais qu’en sera-t-il au mois de juin lorsque le soleil se couchera à près de 22h ? La mélatonine demande un certain temps pour se créer (certains disent environ deux heures), je vous laisse donc faire le calcul quant au nombre d’heures de sommeil. L’effet est encore plus visible sur les jeunes enfants qui se couchent normalement aux alentours de 20h ; ils auront bien plus de mal à s’endormir si le soleil brille encore à l’extérieur. Cela soulève une autre question, qui est celle de l’utilisation des écrans et des lumières artificielles le soir : l’organisme croit que le soleil est encore levé, et inhibe donc de la même façon la production de mélatonine. Il est donc très important de réduire les lumières au maximum le soir, et de ne plus regarder un écran dans les deux heures précédent le coucher. Plus facile à dire qu’à faire, non ? 🙂
L’heure d’hiver
Étrangement, l’heure d’hiver est elle aussi critiquée, alors qu’il s’agit de l’heure normale de référence – elle-même pourtant déjà avancée d’une heure par rapport à l’heure GMT que la France avait adoptée de 1911 jusqu’en 1940. Vous me suivez ? 😉 Les principaux chefs d’accusation concerne l’augmentation de la déprime saisonnière en hiver – car il fait nuit à 17h, et l’augmentation des accidents de la route le soir dû à la faible luminosité aux heures de pointes. Mais observons un peu ce qui se passerait si nous restions à l’heure d’été toute l’année (donc GMT+2). Le soleil se coucherait certes entre 18h et 18h30 au lieu de 17h, mais cela réduirait-il vraiment les dépressions saisonnières ? En hiver, c’est un fait : notre organisme tourne au ralenti et les jours sont plus courts. De plus, la plupart des gens ne profiteront pas plus du soleil, qu’il se couche à 17h ou à 18h. Passons maintenant aux horaires matinales : au plus fort de l’hiver, le soleil se lève à 8h30. Si nous restions à l’heure d’été, cela signifierait que le soleil se lèverait à… 9h30 ! Plutôt tard n’est-ce pas ? Et le nombre d’accidents de la route augmenterait donc sûrement le matin…
Et enfin, ayons une pensée pour les animaux, car eux aussi sont affectés par ce changement d’heure. On sait que les animaux ont une horloge interne beaucoup plus développée que la notre, et on peut comprendre pourquoi le passage à l’heure d’été perturbera grandement les vaches par exemple : en passant à l’heure d’été, elle seront traites plus tôt que d’habitude, et ne seront donc pas prêtes, ce qui engendre du stress pour la vache et une perte de lait pour l’agriculteur. Pour palier à ce problème en particulier, il suffirait d’habituer les vaches à ne pas avoir de rythme trop rigide tout au long de l’année… Mais le stress dû au changement reste quand même présent.
Et chez les autres pays ?
Si l’on s’alignait à nouveau avec l’heure GMT comme le Royaume-Uni, le soleil se lèverait vers 7h40 en décembre et se coucherait aux alentours de 16h (au lieu de 17h), tandis qu’en juin, il se lèverait vers 4h50 et il se coucherait vers 21h (au lieu de 22h) ou 20h si l’on conservait l’heure GMT toute l’année. Que de calculs…!
En fait, l’heure d’été est une habitude européenne et américaine ; dans le reste du monde, il n’y a pas ou plus de changement d’heure l’été, comme on peut le voir sur la carte ci-dessous :
J’ai récemment trouvé un site très intéressant (malheureusement en anglais) où l’on peut voir les heures de lever et coucher de soleil dans le monde entier. On peut remarquer qu’au Japon, en juin, le soleil se lève vers 4h et se couche vers 19h15, tandis qu’en décembre, il se lève vers 7h et se couche vers 16h. Les Japonais ne changent pas d’heure l’été. Et saviez-vous qu’à Johannesburg en Afrique du Sud, au plus fort de l’été (qui est chez nous l’hiver), vous ne verrez plus le soleil après 19h ? En bref, on remarque que tout est une question d’habitude ! Et à mon avis, il est plus naturel de voir le soleil se coucher vers 19h plutôt qu’à 22h comme c’est le cas en France pendant l’été… Même si, je l’avoue, c’est agréable parfois 🙂